Critique : Zora (P.Arseneault)

Zora, Un conte cruel (P.Arseneault)

Il existe, aux confins de la verte Finlande, une forêt peuplée de créatures étranges et fort laides qu’on appelle les fredouilles. Les fredouilles ont deux jambes et deux bras, rattachés à un torse. C’est là tout ce qui les apparente aux humains. Pour le reste, elles présentent des différences notables, et à bien des égards effrayantes.”

C’est au cœur de cette forêt, parmi de pauvres hères, mangeurs d’ails et aigrefins venus s’enivrer et se remplir la panse dans l’Auberge de l’Ours qui pète que naît la pauvre Zora. Enfant sauvage, battue et humiliée, abandonnée de tous, Zora semble vouée à un destin tragique.
Si elle échappe à son père Seppo, maître tripier et égorgeur de vierges, elle va devoir affronter Glad l’Argus, barde mécréant et inventeur de chants maudits, et le capitaine Boyaux, un redoutable maquereau itinérant. Mais elle croisera aussi le chemin de deux hommes avec qui elle se liera profondément. Tuomas, un vieil alchimiste dont les élégantes manières, le savoir et la douceur détonnent dans cette maudite région, et Tero, un jeune chercheur de chants de Carélie hanté par une ritournelle au point d’en perdre le repos.

Dans une langue rabelaisienne d’une prodigieuse fécondité où se mêlent l’humour et l’érudition, le grotesque et le fantastique, la cruauté et la poésie, Philippe Arseneault relate l’histoire extraordinaire de Zora. Digne des plus sombres contes nordiques, Zora rend également hommage à la magnifique tradition des « histoires tragiques » par la puissance des images et l’évocation de la misère de notre condition humaine.

Zora est le premier roman du journaliste canadien Philippe Arseneault. Il a reçu, au Québec, le prix Robert-Cliche 2013.

Si à la couleur de la couverture et sa quatrième on peut se retrouver intrigué par le contraste qui se dégage déjà dans ce roman et s’attendre à être surpris, autant l’annoncer de suite : tout ceci n’est qu’un amuse-gueule.

Le roman porte bien son nom : si c’est un conte sous bien des aspects par le côté folklorique, il est bien cruel. Une cruauté qui n’est pas comme celle de l’ogre du Petit Poucet, on en est bien loin. Ici la majorité des personnages (Seppo en tête), sont laids, sales, vulgaires, répugnants, sordides. Dans les premières pages on se demande ce qu’on est en train de lire, certains passages frôlant le gore. Enfin pourquoi dis-je frôler ? Le roman est cru et il est loin de présenter les plus beaux aspects de l’humanité loin de là. Ce ne sont pas les fredouilles côté créatures qui vont rattraper cela, étant aussi bêtes que violentes.

Mais ensuite on se souvient de l’allusion à Rabelais dans la quatrième et on se dit qu’on est bien dans ce style. Mais cela va au-delà du simple ton et univers, par la qualité d’écriture mais aussi le style. Il ne faut pas se fier au côté conte, le langage est soutenu, j’ai dû pour ma part ouvrir quelque fois sortir mon dictionnaire pour certains mots, chose qui ne m’était plus arrivée depuis des années. S’il reste accessible, il ne sera pas destiné aux lecteurs les moins aguerris ni aux plus jeunes (voire certains ados), car ils ne comprendraient pas certaines choses évoquées plutôt adultes, surtout quand il y a des métaphores.

Si au début de la lecture on peut se demander si on va continuer, finalement on se prend au jeu. Malgré le côté très sombre, on vient à se demander ce qui pourrait arriver de pire ou nous étonner encore plus. La curiosité est attisée et les pages défilent. Puis arrive Tuomas, personnage totalement décalé par rapport aux autres qui ne fait encore qu’intriguer plus, car on se demande ce que ce gentilhomme, savant vient faire dans ce tableau. Bien évidemment, quand Zora arrive, on s’attache assez vite à elle et on a envie de la voir grandir et de savoir ce qu’elle va advenir dans tout cela.

Je pense que vous l’aurez compris, dans un paysage de fantasy où les titres ne se distinguent que par des éléments propres à leur univers et leurs histoires mais qui souvent ont des thématiques communes, Zora est un OVNI. Quand des univers émerveillent tout en ayant leur côté obscur, rien ne fait rêver dans la Forêt des Fredouilles. Philippe Arseneault va dans le sens inverse, avec un style et un ton qu’on croise peu. Il arrive tout de même à captiver le lecteur et propose un roman totalement décalé. une oeuvre qui comme vous avez pu lire dans la présentation a été récompensée et qui est amplement méritée selon moi. Zora est donc mon gros coup de cœur de cette rentrée, tant il apporte de l’originalité dans les dernières sorties et dans mes dernières lectures.

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